Le 16 mai 2011

Gérer la différence culturelle... y compris la nôtre

Delphine Naum

En juin 2007, le gouvernement du Québec décernait à la Ville de Sherbrooke le prix Maurice-Pollack pour les mesures qu'elle a mises en place pour faciliter l'intégration des personnes immigrantes au sein de sa population. Ce succès est en partie dû au soutien du Département de psychologie de l'UdeS. 

Au Canada, les villes qui accueillent des immigrants sont en général les grands centres urbains, comme Montréal. Parce que les nouveaux arrivants n'ont pas tendance à s'établir en région, le gouvernement du Québec s'est doté d'une stratégie pour les inciter à s'y installer... et y rester. Sherbrooke fait partie des trois villes, avec Gatineau et Québec, ciblées par cette régionalisation de l'immigration.

Sherbrooke est aussi la première grande ville fusionnée à se doter d'une politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes. Depuis 2004, plusieurs mesures ont été mises en place pour faciliter, notamment, l'accès aux emplois et aux services municipaux aux citoyens issus de l'immigration. «Notre politique implique des changements organisationnels au sein des services municipaux et des arrondissements», indique François Jobin, chef de division au Service des ressources humaines de la Ville de Sherbrooke. «Nous avons vite constaté le besoin de recourir à des ressources professionnelles spécialisées.»

Comment, en effet, s'assurer que les moyens mis en place auront un impact à long terme? La réponse, la Ville l'a trouvée auprès de Jacques Proulx. Professeur au Département de psychologie, il possède une expérience reconnue comme conseiller en gestion de la diversité culturelle auprès, notamment, de l'Organisation des Nations Unies, de ministères québécois et d'entreprises privées. «La Ville nous demandait une expertise, explique Jacques Proulx. Nous lui avons proposé un véritable partenariat.» En échange de précieux conseils, la Ville offre à l'UdeS un laboratoire sans pareil pour un étudiant en psychologie qui veut se spécialiser en gestion de la diversité culturelle.

Embauché par la Ville, étudiant au doctorat, Étienne Lavoie s'efforce de répondre aux besoins engendrés par les changements organisationnels associés à la politique d'accueil. Une de ses tâches est d'élaborer des outils pour améliorer la prestation des services municipaux auprès des personnes immigrées. Il donne entre autres des formations en relations interculturelles aux secteurs qui offrent des services directs à la population : Service de police, Hydro-Sherbrooke, Service des loisirs, etc. L'objectif est d'améliorer le niveau de compétence des employés qui interviennent auprès de personnes immigrées.

Étienne Lavoie a également pour mandat d'augmenter les chances des immigrants d'accéder aux emplois de la Ville. Son rôle prend ici tout son sens : il doit faire prendre conscience aux recruteurs des biais culturels qui peuvent surgir dans les processus de gestion de la Ville comme la sélection, l'évaluation et l'intégration des employés. «La gestion de la diversité, c'est davantage une gestion du “nous” que du “eux”», affirme-t-il.

Cela commence dès la réception des curriculum vitae. Alors que les Québécois de souche ont l'habitude de mettre en valeur leurs expériences professionnelles, les personnes immigrées attirent davantage l'attention sur d'autres aspects de leur parcours professionnel. Cette façon de se présenter cache parfois, aux yeux du Québécois de souche, une compétence tout à fait valable. «Nous tentons de désamorcer certains préjugés en faisant prendre conscience à nos gestionnaires québécois de souche qu'ils sont aussi porteurs d'une culture, indique Étienne Lavoie. Mon boulot, c'est d'éclairer les parcours culturels des uns et des autres, d'accroître les chances qu'ils se rencontrent, qu'ils s'apprivoisent.»

Actuellement, une vingtaine de personnes issues de l'immigration font partie des 1 683 employés de la Ville de Sherbrooke. L'objectif de la Ville est d'en embaucher 6 %, ce qui correspond à la proportion d'immigrants vivant à Sherbrooke (soit environ 10 000 sur 150 000 habitants). Appuyés par Étienne Lavoie, les gestionnaires et les professionnels des ressources humaines collaborent étroitement afin d'atteindre cet objectif.

«La Ville de Sherbrooke est privilégiée de pouvoir compter sur le soutien de professionnels de l'Université de Sherbrooke, déclare François Jobin. Leurs conseils nous permettent de réfléchir au modèle d'intervention organisationnel à privilégier et à notre plan d'action. En ce sens, le prix Maurice-Pollack reconnaît le bien-fondé de notre partenariat.»

Qu'est-ce que le prix Maurice-Pollack?

Remis par le gouvernement du Québec, le prix Maurice-Pollack est décerné aux organismes qui favorisent l'accès à l'égalité en emploi des Québécois issus des communautés culturelles et des minorités visibles, l'aménagement de la diversité ethnoculturelle et l'adaptation des services en milieu de travail dans la catégorie «entreprises ou organismes des secteurs public et parapublic».